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Si la crise Covid-19 ne ressemble en rien aux crises mondiales qui l’ont précédée, ses conséquences sur le secteur des télécommunications pourraient, non seulement être profondes mais aussi et finalement se porter sur des points assez comparables à ceux que l’on avait pu observer précédemment. En termes d’impact économique en particulier, les trois mêmes piliers pourraient être mis en question : croissance des revenus, maintien des marges et, potentiel d’investissement… pour des motifs à chaque fois différents.

Comment le secteur télécoms a-t-il traversé les crises précédentes en Europe ?

Revenons sur ce qui s’est passé au tout début des années 2000, au passage de ce que l’on a appelé le krach internet, puis au moment de la crise financière des années 2008-2009.

Le lent redressement au sortir du krach de 2001-2002

Lors du premier épisode, les opérateurs de télécommunications ont été très durement touchés, d’autant que le crack, autrement dit l’éclatement de la bulle internet, est intervenu, comme le second qualificatif l’indique plus clairement, dans un contexte où tous les excès étaient permis : déboursement de sommes folles pour obtenir des licences 3G, notamment en Europe, valorisation spectaculaire des acteurs du secteur, en particulier les opérateurs alternatifs, qui donnent lieu à des opérations de fusions/acquisitions parmi, sinon les plus élevées de l’histoire… La chute n’en fut que plus brutale.

La bulle Internet avait été alimentée par les conséquences de l’ouverture coordonnée des marchés des télécommunications au sein de l’Union européenne. Tous les opérateurs historiques en particulier devaient très rapidement trouver sur les marchés voisins l’équivalent des recettes qu’ils allaient perdre sur leurs marchés d’origine. D’autant que d’autres acteurs ambitieux étaient apparus sur le secteur (Mannesmann, Hutchison Whampoa, …). Dans le même temps, les opérateurs devaient participer dans leurs pays mais aussi à l’étranger aux concours, souvent sous forme d’enchères, pour obtenir des licences 3G. Les revenus des mobiles affichaient alors une croissance à deux chiffres et les performances de la 3G étaient très largement exagérées. Dans l’année 2002, les survaleurs associées aux acquisitions ou aux licences pour lesquelles les grands opérateurs s’étaient battus apparaissent au grand jour, de manière plus crue encore pour les opérateurs qui n’avaient pas pu participer aux acquisitions en échangeant leurs actions et qui avaient dû s’endetter. Pendant de nombreuses années, les opérateurs européens se sont trouvés sous le contrôle des marchés financiers pour rétablir leur ratio Dette/EBITDA. Il leur était demandé de renoncer aux opérations d’acquisition aventureuses, de limiter leur CapEx et de maximiser le Free Cash Flow.

Quand ce rétablissement a été opéré (par des politiques de baisse des charges et en profitant de revenus encore dynamiques), il a fallu maintenir à haut niveau les dividendes (« pour maintenir la confiance des investisseurs et donc les cours ») alors que le ralentissement de la croissance, en Europe, commençait à s’imposer progressivement sous l’effet de la saturation relative du marché mobile et de l’intensification de la concurrence. On observera toutefois que cette crise a marqué une rupture dans la croissance du secteur mais qu’intervenant dans contexte de très forte dynamique (essor du mobile, premiers pas du haut débit fixe), elle ne s’est pas traduite par une récession. On est « simplement » passé d’une croissance à deux chiffres à un rythme sensiblement ralenti ; à l’échelle de l’Europe, de +16% annuels en 2000 et 2001 à 7% en 2002, ralentissant régulièrement ensuite jusqu’à +4% en 2006-2007.

La crise macro-économique de 2008-2009 allait ajouter aux difficultés du secteur, le faisant cette fois basculer dans la récession et affectant les marges.

Les effets à plus long terme de la crise financière de 2008-2009

Ce deuxième épisode a surtout marqué le début de la remise en cause du principe de résilience que l’on associait traditionnellement au secteur des télécommunications, montrant clairement que, dans des contextes économiques très fragiles (crise de 2009, puis surtout plus tard crise des dettes européennes dans le Sud de l’Europe), ce dernier finissait par être lui aussi atteint. « Le secteur est devenu cyclique, en particulier depuis la crise financière », constate Berenberg en 2015, sur la base des évolutions comparées de la croissance du secteur des télécommunications et des principaux constituants du PIB. Notons tout-de-même, qu’à côté du climat macro-économique, la dynamique concurrentielle qui animait le secteur depuis plus de 10 ans a eu un effet exacerbé par la contraction des marchés.

La crise de 2008-2009 a impacté de façon terrible les revenus des pays du Sud de l’Europe : Telefónica a perdu 38% de revenus sur le marché espagnol entre 2008 et 2013, soit -9% par an (un recul qui s’est accéléré progressivement de -5% en 2008 à -14% en 2013). Au cours de la même période, les revenus de Telecom Italia sur son marché domestique reculaient de 30%, soit -7% par an. Aux Etats-Unis à l’inverse, dans un climat macro-économique moins chahuté et surtout une reprise très rapide et un contexte concurrentiel moins pressant, les revenus de Verizon progressaient, sur les mêmes cinq années, de 24%.

En Europe, la chute des revenus s’est accompagnée d’une chute des marges EBITDA, souvent cachées par le ratio EBITDA/Chiffre d’affaires : dans la mesure où le chiffre d’affaires s’est effondré en Europe, la résistance des marges mise en avant avec le ratio EBITDA/CA cache en réalité un résultat (EBITDA) qui décroit juste au même rythme que les revenus…

Quels enseignements pour la crise Covid-19 ?

Peut-on établir quelques points de comparaison pour esquisser ce qui attend le secteur au sortir de la crise Covid-19, de nature radicalement différente ? Plus sans doute que l’on pourrait s’y attendre en premier abord, en particulier au regard de l’impact sur les principales variables économiques du secteur.

 

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