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L’Afrique est pionnière en matière de m-money : plus de moitié des services de m-money mondiaux ont été lancés en Afrique subsaharienne, dans un contexte de faible bancarisation. Les grands opérateurs, MTN, Bharti Airtel, Orange, Vodafone (Safaricom), Etisalat, Maroc Télécom, ont tous lancé ce type de services sur leurs marchés et en font un axe stratégique de développement.

Un élargissement de l’offre

Ces services, centrés à l’origine sur les virements ou les recharges de crédit téléphoniques, tendent à élargir leur offre, avec plusieurs niveaux de service :

  • les services basiques de dépôt, de retrait, et de transfert d’argent, destinés aux populations non-bancarisées, et qui constituent la grande majorité des opérations à ce jour ;
  • ces services s’étendent maintenant au paiement dans les points de vente. Ainsi, Orange a signé un partenariat avec Total et Shell pour que les automobilistes puissent payer via Orange Money. Par ailleurs, au Bénin, les autorités ont rendu l’usage du m-money obligatoire dans les supermarchés pour les sommes supérieures à 150 EUR, ce afin de limiter les risques de braquage ;
  • les services de paiement de factures, de versement de salaires, souvent utilisés par les services de l’État pour payer les fonctionnaires ou verser des allocations. Ainsi en Ethiopie, les bénéficiaires de l’aide sociale peuvent retirer leurs allocations chez des petits distributeurs ; ils économisent ainsi le temps de transport, et sont incités à créer un compte bancaire ;
  • les services connexes : lien avec le compte bancaire ou la carte bancaire, offres de crédit, d’épargne et d’assurance, transactions boursières, financement participatif… Au Kenya, KCB M-Pesa, la plateforme mobile d’épargne et de crédit ouverte en partenariat avec le service de m-money du même nom, a permis la délivrance de plus de 88 millions EUR du début 2015 à la mi- 2016 ; les prêts sont compris entre 10 et 400 EUR et au Ghana, Airtel a annoncé verser des intérêts sur leur solde bancaire à ses abonnés Mobile Money ;
  • les services de transfert de fonds internationaux, avec d’autres pays d’Afrique ou avec les diasporas européennes, et reposant sur une interopérabilité internationale. Les transferts des migrants vers leur famille sont pour l’instant dominés par Western Union, avec des commissions estimées à plus de 12 % en moyenne par la Banque Mondiale. Mais les opérateurs mobiles proposent des solutions alternatives, ainsi que les e-commerçants.

L’interopérabilité nationale et internationale comme moteur de développement

L’interopérabilité recouvre différents aspects :

  • elle peut être intra-opérateur, entre deux clients du même opérateur dans deux pays différents ; cette possibilité est développée en Afrique par les grands opérateurs panafricains tels qu’Orange, MTN, Airtel ou Millicom et constitue un avantage concurrentiel. Orange propose ainsi en Afrique de l’Ouest un service interopérable entre le Mali, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Sénégal, ainsi qu’un service à l’attention des diasporas habitant en France, qui peuvent désormais envoyer des fonds en Afrique via Orange Money, concurrençant ainsi directement les sociétés historiques de transfert de fonds telles que Western Union ;
  • elle peut également être inter-operateurs, à l’international entre deux opérateurs sur leur empreinte géographique respective ou sur un même marché national. Ainsi par exemple Vodafone et MTN ont conclu un accord sur sept pays africains : les clients de Vodafone au Kenya, en Tanzanie, en République démocratique du Congo et au Mozambique pourront échanger des fonds avec les utilisateurs de MTN Mobile Money en Ouganda, au Rwanda et en Zambie. Cela permet à l’opérateur de renforcer l’empreinte géographique du service en s’appuyant sur les réseaux des autres opérateurs dans les pays où il n’est pas présent ;
  • mais l’interopérabilité inter-opérateurs se situe également au niveau national, et c’est un enjeu essentiel de développement, alors que la majorité des pays disposent de plus d’un opérateur de mobile money. C’est un phénomène encore émergent, qui intéresse pour l’instant seulement 3 pays : la Tanzanie, le Rwanda, et Madagascar ;
  • l’interopérabilité avec un service tiers tel qu’un établissement financier, avec notamment les possibilités de liens avec un compte bancaire. La cible initiale des nonbancarisés s’étend ainsi aux détenteurs de comptes bancaires. Par ailleurs, Western Union et MTN ont lancé un service permettant aux clients de MTN en Côte d’Ivoire et au Rwanda de recevoir directement dans leur compte mobile des fonds transférés depuis une des agences du groupe américain.

Des perspectives substantielles, pour un service à valeur ajoutée

Le marché de l’argent mobile en Afrique, très avancé, n’est pas pour autant mature : il n’a pas décollé dans tous les pays de façon uniforme et le potentiel reste énorme dans les zones rurales.

Un marché en croissance

La région MEA compte en 2015 plus de 150 services de mobile money, essentiellement en Afrique subsaharienne, et si les lancements de services commencent à ralentir, l’usage est en forte progression : le nombre de comptes actifs a progressé de plus de 20 % entre 2015 et 2016, passant de 95 millions à 114 millions. Au final, dans certains pays tels que Madagascar, la Tanzanie et bien sûr le Kenya, le nombre de comptes m-money dépasse le nombre de comptes bancaires traditionnels. A contrario, M-Pesa a échoué à populariser le service en Afrique du Sud, compte tenu de la forte bancarisation (aux alentours de 70 %), et de la présence d’offres concurrentes proposées par les banques. Les services de transfert international sont un autre sentier de croissance, avec des tarifs attractifs par rapport aux services historiques tels que Western Union. Orange a ainsi obtenu un agrément d’émission de monnaie électronique en Afrique et également en France, afin de gérer les transactions sans partenaire bancaire.

Les services s’adressant en premier lieu aux populations non-bancarisées, mais également aux populations disposant d’un compte bancaire

Sur le marché de l’e-money, le potentiel est encore considérable : selon la Banque Africaine de Développement, moins de 25 % des Africains ont accès aux services financiers ; cette proportion est encore plus faible en Afrique subsaharienne (aux alentours de 10 % seulement, hors Afrique du Sud). Au delà de ce segment, les populations bancarisées constituent également une cible, pour les achats en ligne, les achats dans les points de vente, les transferts internationaux ou les services avancés. Cependant, le service peine à décoller dans les pays à fort taux de bancarisation, à l’instar de l’Afrique du Sud où Vodacom et MTN ont fi nalement abandonné le service en 2016.

Un service à valeur ajoutée

Enfin et surtout, le paiement mobile est un service à valeur ajoutée pour les opérateurs : il représente par exemple 21 % des revenus de Safaricom en 2016, soit plus de 350 millions EUR. Les opérateurs ont de grandes ambitions en la matière, par exemple Orange affiche un objectif de 30 millions de clients à fin 2016 (pour 13 millions de clients à fin 2014). Selon une étude du cabinet Boston Consulting Group, en Afrique subsaharienne, les services financiers sur mobile pourraient rapporter au moins 1,5 milliard USD d’ici à 2019 et viser un marché de 250 millions de personnes.

Des obstacles réglementaires

Certains opérateurs, notamment Orange et MTN, ont obtenu des licences de banque en tant qu’établissement émetteur de monnaie, et viennent directement concurrencer les banques ; cependant, en mars 2017, la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a interdit à Orange les transferts de fonds avec la France et le Mali, jugeant la pratique non autorisée. Par ailleurs, au Kenya, un projet de loi prévoyant la scission de Safaricom de sa plateforme de mobile money a été déposé, afin de renforcer la concurrence ; il est également envisagé d’ouvrir la plateforme M-Pesa aux opérateurs concurrents.

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