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En Europe, malgré l’initiative européenne d’un système de contact tracing centralisé PEPP-PT, les réponses nationales sont désaccordées et divergentes.

Le contact tracing numérique ne remplace pas le suivi manuel, généralement utilisé durant la gestion d’épidémies, mais vient le compléter. Le contact tracing classique reste indispensable pour lutter contre la propagation du virus. Le contact tracing numérique permet toutefois de traiter à grande échelle et plus efficacement (identification de contacts, voire de foyers) et ainsi de limiter les coûts. Au moins 39 pays ont donc lancé des initiatives (dont 26 solutions disponibles), le plus souvent au niveau national. Leur diffusion est toutefois limitée par des enjeux technologiques (disponibilité d’équipements notamment chez les personnes les plus à risque, contraintes des technologies Bluetooth et/ou GPS) et par des considérations autour de l’usage des données personnelles de localisation.​

Les solutions de contact tracing numérique basées sur le volontariat (pour atténuer les enjeux autour des données) sont assez peu efficaces pour atteindre l’objectif, même si elles apportent une amélioration du système traditionnel au niveau individuel : tout contact tracing numérique doit être adopté par une large part de la population (au moins 60 %) pour être efficace. Seuls les systèmes de tracing collectif (mixant différentes données sans consentement de l’utilisateur) ont atteint des valeurs équivalentes en Chine ou en Corée du Sud, alors que les applications individuelles volontaires disponibles atteignent au mieux 38 % en Islande ou encore 20 % à Singapour, les pays les plus avancés dans l’usage de tracing individuel.​

 

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Un contact tracing sans la solution de Google et Apple
(qui développent une solution décentralisée) est très limité car ils sont les mieux positionnés pour pouvoir résoudre le problème du Bluetooth inutilisable en arrière-plan et de la forte consommation de batterie (notamment directement dans leur OS) et de l’adoption massive par les populations. Les enjeux de souveraineté numérique et de contrôle des données ont parfois limité la coopération entre Etats et Apple / Google, cherchant eux-mêmes à freiner le développement d’applications jugées invasives, mais certains Etats ont déjà changé d’attitude (Allemagne, Australie et probablement Royaume-Uni).​Parmi les options technologiques, le suivi par Bluetooth décentralisé (test de contact avec quelqu’un de contaminé fait localement par les utilisateurs) est le système qui protège le plus la vie privée des utilisateurs tout en proposant une certaine efficacité individuelle. C’est une solution encore en développement et qui sera principalement mise en place dans certains pays européens (Autriche, Allemagne, etc…). Les autres solutions sont toutes plus invasives. Aujourd’hui toutefois, la plupart des systèmes de contact tracing Bluetooth dans le monde sont centralisés (70 % des projets Bluetooth en cours et à venir) et liés aux autorités de santé (par exemple en France), avec comme atout la capacité à détecter des foyers épidémiologiques. Les autres solutions, notamment basées sur le GPS ou le QR code, sont plus rares mais se déploient plus vite. ​

Les pays occidentaux sont très en retard par rapport aux pays asiatiques sur le contact tracing numérique. Les européens se concentrent avant tout sur la protection de la vie privée (notamment sur le débat centralisé / décentralisé et l’absence à ce titre d’obligations) alors que les pays asiatiques préfèrent pour l’essentiel développer une solution qui fonctionne tout de suite malgré les atteintes à la vie privée (système centralisé, voire utilisation du GPS), quitte à réajuster les choix technologiques (le QR code n’est apparu que dans un second temps à Singapour). 10 solutions sont déjà en oeuvre en Asie-Pacifique contre seulement 7 en Europe (et seulement 4 d’entre elles dans l’Union Européenne). L’Europe est divisée sur la bonne approche à tenir (protocole PEPP-PT soutenu par quelques pays seulement, etc…), alors qu’une solution pan-européenne semble nécessaire pour réduire les coûts et permettre le retour à une économie dépassant les frontières nationales. Le débat sur la vie privée est très important en Europe, dans la lignée du RGPD de 2018, mais doit être relativisé par les obligations habituellement en place dans le contact tracing manuel et des mesures exceptionnelles mises en place pour le COVID (fichier central de suivi des malades et des cas contacts, etc…).

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