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...à la recherche d’un scénario convergent

Les négociations entre Orange et Bouygues sont suffisamment mises en avant pour que chacun cherche à anticiper les ressorts et les points les plus sensibles d’une opération complexe et incertaine. Les quatre protagonistes du marché français des télécoms ont un intérêt partagé pour s’entendre sur un scénario qui verrait la disparition d’un des opérateurs, avec la perspective de mettre fin aux guerres des prix à répétition.

Le marché français rejoindrait alors une configuration à trois acteurs, à l’instar de celle qui existe en Allemagne et qui est annoncée au Royaume-Uni et en Italie. Cette opération est toutefois singulière, dans la mesure où elle met en œuvre le N°1 des marchés fixe, mobile et entreprises. Essayons de résumer pour chaque acteur les données d’une opération qui pourrait constituer un terrain fertile d’analyse pour les experts de la théorie des jeux.

Les autorités en charge de la concurrence, et dans une moindre mesure de la réglementation, sont dans une situation délicate car elles ne peuvent se désintéresser d’une opération qui permettrait de rétablir un secteur dont les revenus n’ont cessé de baisser depuis 2008 et dont les lourds investissements conditionnent pour une part la transition numérique du pays. Mais cela ne peut se faire qu’au prix d’une remise en cause d’une concurrence effective entre les opérateurs. Contrairement aux opérations de fusion observées en Europe sans impliquer le N°1, qui pour être autorisées s’accompagnent de remèdes ponctuels, les autorités vont devoir justifier, à travers les modalités imposées pour la répartition des fréquences, des infrastructures, des abonnés, des boutiques et des emplois, un modèle d’organisation du marché des services des télécoms en France assez largement transformé. On entrevoit les risques que l’on associe à une «concurrence administrée».

Bouygues s’inscrit dans la perspective d’échanger, sur la base d’une valorisation favorable, le contrôle de son opérateur contre du cash et une participation substantielle dans un groupe leader. Le risque est de ne pas l’obtenir le prix premium attendu et d’avoir, en cas d’échec, fait perdre aux équipes, voire aux clients, une partie de la confiance dans la trajectoire de l’opérateur.

Orange ne peut pas se contenter de supporter les risques d’une telle opération sans avoir d’autre objectif que de faire le travail de consolidation dans l’intérêt de tous, à l’exception de celui de ses actionnaires. Il lui faut arriver à faire partager aux acquéreurs des actifs auxquels il doit renoncer, la charge du prix premium consenti à Bouygues. Il faut pour cela pouvoir compter sur une certaine concurrence. Il lui faut aussi anticiper les avantages qu’il va perdre en cédant à ses concurrents des actifs, par exemple ceux assurant aujourd’hui à Orange et Bouygues Telecom une avance sur le marché de la 4G. Enfin, le cash dégagé au terme de l’opération doit permettre à Orange soit d’accélérer ses investissements en France et sur ses autres marchés pour renforcer ses positions, soit de reprendre l’initiative dans la consolidation européenne du secteur.

SFR et Iliad sont certainement intéressés à se renforcer par l’acquisition d’actifs. Leurs équipes et leurs banquiers doivent toutefois déterminer les niveaux de prix plafonds, compatibles avec leur endettement, et au-delà desquels il serait jugé plus intéressant de pousser les investissements marketing et commerciaux pour gagner des abonnés, ou d’augmenter les investissements dans les réseaux. Il leur faut aussi, dans cet exercice, éviter de se retrouver en concurrence entre eux ou avec des tiers.

N’oublions pas l’État dans son rôle d’actionnaire d’Orange: a-t’il d’autres objectifs que celui d’un actionnaire avisé ? S’agit-il d’installer un noyau d‘actionnaires de contrôle pour permettre le désengagement de l’État ?